Florence and the Machine, la consécration ?

Il est là, le nouveau cru de Florence Welch, accompagné de son backing-band, il s’appelle Ceremonials, et cela fait un peu plus d’une semaine qu’il tourne en boucle chez moi.

Je suis le groupe depuis la sortie de Lungs, le premier album qui m’a tant marqué. Florence chante dans une sorte de pop féérique, baroque, non loin de Kate Bush dont elle s’inspire ouvertement. La harpe y est un instrument majeur, ce qui est plutôt original, dans le rock tout au moins. Bat For Lashes avait repris ce créneau deux ans auparavant, mais je dois avouer que je trouve le groupe de Natasha Khan un degré moins talenteux que celui de Florence : ce sont les morceaux qui font la différence, le sens de la mélodie imparable, là où Bat For Lashes séduit, certes, mais il manque la petite étincelle.

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Lungs était frais, comme la première récolte d’un jeune arbre. On reprochait souvent à Florence de crier, mais en vain, cela faisait partie de son style. Les tubes étaient là : Dog Days Are Over, Rabbit Heart, Cosmic Love, Drumming Song, ou encore la reprise de Candi Stanton, You’ve got the love. Ainsi qu’une perle assez inclassable, du nom de Blinding. C’est un album assez touche à tout, on y retrouve de la pop, du rock pêchu, de la soul, du blues, de la folk, des chœurs quasi-religieux…dans le domaine de la pop indie, elle se faisait une place conséquente, d’autant que la demoiselle se faisait convaincante en concert.

Ces derniers temps je pressentais qu’elle gagnait du galon dans la profession : première partie de Mika, une chanson inédite, Heavy in your arms pour la bande originale du 3ème volet de Twilight, Think d’Aretha Franklin reprise avec d’autres chanteuses soul aux Grammy Awards 2011 – et elle tire évidemment son épingle du jeu -, et là dernièrement, elle devient l’égérie de Karl Lagerfeld, elle a même chanté lors d’un défilé de mannequins à Paris il y a quelques semaines de cela, et vêtue comme il se doit par le maître de la mode. Même la France se dote d’un site web francophone dédié à elle, son groupe et son œuvre.

A l’aube de la sortie de Ceremonials, les dés sont lancés : elle va peut-être passer d’outsider de luxe à leader d’une scène  pop glamour, celle d’une pop féérique, genre qui se limitait autrefois à Kate Bush, et qui depuis 2009 semble foisonner curieusement.

What the water gave me, sorti pendant l’été, désarçonnait un peu : très bon titre, ce n’est pas le tube attendu non plus. Shake it out, sorti un peu plus tard rassurait : le clip est de toute beauté et la chanson est digne des grands moments de Lungs. Il fallait encore patienter. Puis Ceremonials est sorti.

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Je dois dire…que j’ai été déçu lors de mes premières écoutes. Je m’attendais forcément à un Lungs II, ce n’est pas le choix artistique de Florence. Donc exit certaines des qualités qui m’ont fait plus qu’apprécier Lungs : un côté artisanal, presque garage (probablement, le côté indie), les montagnes russes (couplet très sages et intimistes suivi par des refrains endiablés), et la grande diversité des chansons. Lungs était un peu le Post* de Florence and the machine.

Ici, on sabote un peu la variété, les chansons, sans être issues d’un même moule, sont dans le même esprit, une forte homogénéité se dégage, c’est une force, comme ça peut-être une faiblesse. C’est son Homogenic*. Aucun titre ne se dégage de manière aussi forte comme Dog Days Are Over le faisait ou Cosmic Love. On gagne en revanche en production, c’est tout bonnement énorme, Paul Epworth fait un boulot conséquent, l’album claque vraiment sur un matériel de qualité.

J’ai persévéré. Oh, pas comme sur un album de free-jazz technique absolument imbitable pour les oreilles des non connaisseurs. Non, non, je me suis dit que ça ne pouvait pas être mauvais. Mon avis n’a pas évolué au bout de la 26ème écoute, mais plutôt sur les 4ème et 5ème. Le charme commençait à faire effet, et je pouvais oublier les souvenirs  vivaces de Lungs. J’ai mon Blinding, ma petite perle de l’album…c’est Seven Devils, le titre le plus sombre. No Light, No Light est le 3ème single, petite bombe en perspective. J’adore également Breaking Down, avec son ambiance 19ème siècle et ses chœurs de fantômes  de château écossais. Et puis finalement, je les aime toutes. Pour faire une parabole œnologique, je dirais que cet album paraît moins gouleyant que Lungs, mais a peut-être un meilleur potentiel de garde. Cet album devrait bien vieillir, et ses charmes devraient vous envoûter au fur et à mesure que les saveurs se révèlent.

J’ai quelques regrets, toutefois. Les paroles sont absentes du livret (j’ai la version deluxe), je ne comprends pas vraiment. Espérons que le site officiel les propose…Aussi lors de l’encodage en mp3, j’ai les compositeurs de chaque titre qui apparaissent : aucun titre n’est signe Florence Welch (à l’inverse de Lungs…). Que se passe-t-il, elle n’est plus que l’interprète – certes, talentueuse – de son propre groupe ? Et Paul Epworth, qui n’est que producteur, compose encore plus que sur Lungs ? Je comprends mieux pourquoi on perdrait le côté intimiste, très personnel de Lungs au passage, à confirmer.

Un autre regret, qui n’est pas artistique (quoique), mais commercial, c’est de ne pas avoir inclus le tube en puissance qu’est Strangeness and Charm sur l’album. Il est disponible sur le second cd de la version deluxe, mais il est cruel de laisser un tel titre, aussi énergique pour les fans. Strangeness and Charm a les qualités pour être un single plus vendeur que les autres, très catchy, à l’image de Dog Days Are Over. Mais je comprends, ce titre aurait cassé l’unité du disque (il remue plus, et conserve un côté rock absent de Ceremonials !), et surtout sa composition est plus lointaine que les sessions de Ceremonials : il apparaissait dans une version live dans Between Two Lungs, une réédition de Lungs avec un second cd  blindé d’inédits. Mais quand même, personne dans la maison de disque ne sent son potentiel ?

Alors consécration en vue ou pas ? Hier, lundi 7 novembre, le journal gratuit métro (cf version pdf disponible) a salué cet effort musical par un article présentant la demoiselle et son groupe. En Angleterre où elle cartonne depuis un moment, Ceremonials est numéro 1 des ventes, délogeant les très vendeurs Coldplay. L’Angleterre est conquise, le reste du monde peut craquer. Sera-ce automatiquement le cas ? A voir. Pour prendre un exemple récent, Adele a explosé, grâce à Rolling in the Deep. Y a quelques années, feu Amy Winehouse chantant Rehab a pu vendre des cartons de disques. Dog Days Are Over a eu un certain succès d’estime. Shake it out marche honorablement, mais pas de consécration en vue. Il y a un bout de chemin à faire, si la maison de disque du groupe veut placer Florence and the machine tout en haut (ils n’en sont pas loin), il faudra un single qui marche davantage. Strangeness and charm aurait pu jouer ce rôle, tant ce titre est fantastique, il semble rester cantonné au rôle d’une obscure face B. No light no light, très bon titre en soit…je le vois mal martelé par les radios. Je pressens qu’il faudra un troisième album pour atteindre un autre pallier commercial. L’artistique, lui, semble être maitrisé, et bien.

*Post est le second album de Björk, très varié musicalement parlant, Homogenic, le suivant est…homogène…comme son nom l’indique, la plupart des chansons étant dans un style électro pop très personnel.

3 commentaires sur “Florence and the Machine, la consécration ?

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  1. Très chouette ta review Sylvain. Je comprends pourquoi tu étais déçu à la première écoute mais cela me rassure que tu ais cerné le haut potentiel de ce nouvel album. Ceremonials n’est pas un Lungs 2, j’imagine que si ça avait été le cas, on aurait sûrement reproché à Florence son manque de risque. Mais à côté de ça, je serai incapable de te dire si Ceremonials est meilleur que Lungs ou l’inverse.

    1. Merci !
      Sinon, je ne pense pas qu’il soit évident de les départager : aucun de ces albums ne souffre de morceaux mauvais, il y a toujours quelque chose qui va accrocher l’oreille. Avec le temps certains préfèreront l’un où l’autre, mais c’est tout.

  2. Je viens de lire un article qui confirme à moitié ce que je pense : les ventes des singles au Royaume-Uni sont décevantes…ça me conforte que sans single qui cartonne, elle restera outsider.

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